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INSAtelier
28 février 2009

Je l'ai tué parce qu'il était immortel

   - Je suis immortel, disait Patrick.

   Ce type m’impressionnait. Quand il disait quelque chose, on avait envie d’y croire, même si c’était un énorme mensonge. Depuis peu, c’est sa soi-disant invulnérabilité qu’il aimait claironner.

   - Si, si, je vous assure, maintenant je le sais, je suis immortel.

   Nous étions dans la file d’attente du self et il répétait son histoire pour la quinzième fois aujourd’hui, centième fois cette semaine.

   - Il m’est arrivé un truc extraordinaire qui confirme ce que je dis !
   - Quoi donc ? demanda Sophie, amusée par l’engouement de Patrick pour ses propres élucubrations.

   Et ça y était, il repartait dans ses explications. Voilà une situation énervante qui vous est peut-être déjà arrivé : Un ami avec qui vous passez la plupart de votre temps vous raconte une anecdote amusante puis durant la journée, à chaque nouvelle personne que vous croisez, la raconte à nouveau en votre présence, encore et encore. Je connaissais son histoire d’immortalité par cœur à force de l’entendre la raconter. Sophie et les autres par contre, souriants, l’entendaient pour la première fois et incitaient Patrick à continuer.

   - … et je me suis dis que si je n’étais pas mort dans de telles circonstances, c’est que j’étais forcément immortel.

   Eclats de rire, renchérissements inutiles, blagues sur le sujet. A coté je me taisais. Arrivés à table, tout le monde faisait semblant de tuer Patrick à coup de fourchette et de couteau à bout rond pour tester la véracité de ses dires, le tout dans l’hilarité générale.
   L’irritation me gagna tout au long de l’après-midi et je fus ravi de me retrouver sans Patrick, dans ma voiture, à la fin des cours. Après tout, s’il était immortel, s’était son problème. Tranquillement, je mis le contact et sortis du parking. J’accélérais pour quitter le campus, quand soudain une silhouette traversa devant moi. Je levai mon pied pour freiner et reconnus Patrick. Une pensée simple et claire me traversa l’esprit : « Bah, même si je le renverse ce n’est pas grave, il est immortel ». Immédiatement, je me suis repris : « Mais qu’est-ce que tu racontes ? C’est absurde. ». Le problème c’est qu’entre ces deux pensées, j’ai retenu mon pied d’appuyer sur le frein, par réflexe.
   En fait, Patrick n’était pas immortel.

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